Un vent de renouveau

Aux créatrices bretonnes, on associe volontiers le cliché des “bretonneries”, ces productions folkloriques sans grande valeur. Souvent bien cachées derrière les emblèmes masculins de la région, des femmes ont pourtant développé, renouvelé, modernisé la culture bretonne, contribuant à son rayonnement. Pionnières dans leur discipline, artistes innovantes, elles ont incarné le renouveau et séduit au-delà des frontières.

1 – La Lady Bigoude de la Haute couture
2 – Jeanne Malivel, à l’avant-garde
3 – De nouveaux répertoires musicaux
4 – Poétesses et matrimoine littéraire
5 – Jeanne Laurent, dans les coulisses du théâtre public

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Notices biographiques

Valérie Piriou, dite Val Piriou (1963, Rennes – 1995, Quimper) : styliste à la carrière fulgurante, connue à l’international pour ses créations mêlant des influences punk et bretonnes. À 6 ans, elle sait déjà coudre à la machine. Adolescente, elle quitte le lycée pour suivre des cours aux Beaux-Arts. Son parcours la mène à Rennes, à Paris, puis à Londres, où elle attire l’attention dès son premier défilé. La presse est enthousiaste, le magasin Harrod’s lui passe commande. La marque Val Piriou est née et habille des stars comme Madonna, Michael Jackson… En 1990, le Guardian dit d’elle “Val Piriou rend le celtique glamour”. Elle meurt après seulement une décennie de carrière, fauchée par le sida.

Nolwenn Faligot : jeune créatrice de mode finistérienne, qui puise son inspiration dans son héritage celtique et dans ses voyages. Formée à la mode dans de grandes écoles anglaises, elle a travaillé 3 ans en Slovaquie pour une marque de luxe, avant de revenir s’installer dans sa région natale pour créer sa propre marque, “résolument bretonne”.

Jeanne Malivel (1895, Loudéac – 1926, Rennes) : artiste avant-gardiste, dont la carrière très courte a laissé une empreinte durable sur la culture bretonne contemporaine. Formée à l’Académie Julian et aux Beaux-Arts de Paris, elle débute dans la capitale une carrière dédiée à la Bretagne et aux Breton·nes, notamment en illustrant L’Histoire de notre Bretagne de l’écrivaine Jeanne Coroller. Elle fait la rencontre de René-Yves Creston et Suzanne Candré qui, comme elle, veulent donner un nouveau souffle à l’art breton. En 1923, Jeanne Malivel devient professeure aux Beaux-Arts de Rennes; cette même année, elle fonde le groupe Seiz Breur, avec pour objectif de participer à l’Exposition universelle des Arts décoratifs de 1925. Pour ce projet, elle conçoit des meubles, des textiles, des motifs… Elle meurt un an plus tard, enceinte et atteinte de paratyphoïde.

  • Jeanne Malivel, Olivier Levasseur, 2013, Éditions Coop Breizh
  • Seiz Breur, pour un art moderne en Bretagne 1923-1947, Pascal Aumasson, 2017, Locus Solus
  • Association Les amis de Jeanne Malivel : https://amisjeannemalivel.jimdofree.com/

Suzanne Candré-Creston (1899, Paris – 1979, Cosne-Cours-sur-Loire) : céramiste, fondatrice des Seiz Breur avec Jeanne Malivel et René-Yves Creston. Elle travaille pour les faïenceries Henriot à Quimper de 1922 à 1927.

Kristen Noguès (1952, Versailles – 2007, Brest) : harpiste et compositrice engagée pour le renouveau de la musique bretonne, qu’elle ouvre au jazz, aux musiques improvisées. Très tôt, elle apprend le breton et, comme Alan Stivell, elle suit les cours de la harpiste Denise Mégevand. Installée en Bretagne, elle s’initie au chant traditionnel. De 1973 à 1980, elle participe à l’expérience coopérative Névénoé qui prône le “vivre et travailler au pays”. Ses créations sont diverses : albums, musique pour enfants, poèmes, contes mis en musique… Elle s’engage dans des projets collectifs et, sur scène, se produit seule ou entourée de musiciens bretons et étrangers. Elle meurt de maladie en 2007.

Éliane Pronost (1933, Plounéour-Trez – 2007, Morlaix) : chanteuse du Léon qui enregistre ses premiers disques en parallèle de son travail d’infirmière. En 1960, un quatuor se forme autour d’elle et deviendra Le Quatuor du Léon. Une salle de l’espace culturel Armorica de Plouguerneau porte son nom.

Bleunienn Jégou-Louarn, dite Miss Blue : DJ et productrice rennaise, elle associe la musique traditionnelle bretonne à l’électro. Née en 1978 dans une famille bretonnante et militante, elle se passionne très jeune pour la danse et la musique. Après des études de sociologie et d’anthropologie, elle enseigne dans le réseau Diwan et travaille comme réalisatrice. Alors qu’elle commence à mixer, elle trouve un vinyle des soeurs Goadec qui sera le point de départ de son style, mêlant chants bretons a capella et rythmes de drum and bass. En 2012, Miss Blue sort son premier album, Breizh’n bass

Claire de Duras (1777, Brest – 1822, Nice) : femme de lettres. Née à Brest, elle part pour la Martinique après la Révolution française, avant de s’installer aux États-Unis, en Suisse, puis à Londres. De retour en France, elle se lie d’amitié avec Chateaubriand et fréquente les milieux littéraires parisiens. En 1823, elle publie anonymement et avec réticence Ourika. Ce roman raconte l’histoire d’une jeune Africaine qui, éduquée à Paris, prend conscience des préjudices que lui cause sa couleur de peau. Considéré comme le premier roman de littérature française à évoquer le racisme et le rejet, Ourika a été redécouvert à la fin du 20è siècle. Claire de Duras, qui n’a accepté de publier ses écrits que pour éviter tout plagiat, a abordé les thèmes de l’oppression, de la marginalisation, de la condition des femmes.

Marie Le Franc (1879, Sarzeau – 1964, Saint-Germain-en-Laye) : romancière récompensée par le prix Femina en 1927, dont la vie fut marquée par des allers-retours entre la Bretagne et le Québec. Diplômée de l’Ecole Normale de Vannes, elle devient institutrice à 18 ans. Au début du 20è siècle, elle entame une correspondance avec un journaliste québécois et, poussée par des envies d’ailleurs, elle part s’installer au Canada en 1906. Seule et sans ressources, elle y vit d’abord de petits boulots, puis devient professeure de français. Elle se met à l’écriture et publie des recueils de poèmes et des romans, inspirés tantôt par la nature canadienne, tantôt par sa Bretagne natale. 

Anne de Tourville (1910-2004, Bais) : romancière récompensée par le prix Interallié en 1944, puis par le prix Femina en 1951 pour son roman Jabadao. Née en Ille-et-Vilaine, elle grandit dans les Côtes d’Armor avant de s’installer à Dinard. C’est là qu’elle peint, des miniatures notamment, et écrit des romans campagnards ou maritimes.

Angèle Vannier (1917, Saint-Servan – 1980, Bazouges-la-Pérouse) : poétesse élevée par sa grand-mère à Bazouges-la-Pérouse, où elle revient trouver refuge quand un glaucome lui fait perdre la vue. Aveugle, elle puise dans ses souvenirs d’enfance et dans les odeurs et les bruits de la campagne alentour pour écrire ses premiers poèmes. Après Rennes, elle part pour Paris, où elle côtoie des femmes et hommes de lettres. Certains de ses poèmes sont mis en musique, comme Le Chevalier de la nuit, chanté par Édith Piaf. En 1963, elle reçoit un prix de la part de l’Académie française. Revenue en Bretagne, elle rencontre la jeune harpiste Myrdhin avec qui elle crée un spectacle qui circule dans toute l’Europe. Jusqu’en 1980, elle enchaîne les conférences, les récitals et les émissions de radio.

Laure Morali : poétesse, romancière et autrice de récits installée à Montréal. Née en 1972, elle a commencé à écrire dans les Côtes d’Armor avant de traverser l’Atlantique. Ses écrits, en vers et en prose, s’inspirent de la poésie chinoise, japonaise, québécoise, française et amérindienne. Voyageuse dans l’âme, à l’écoute des voix oubliées et des fables méconnues, elle fait paraître en 2010 un récit de voyage singulier : Traversée de l’Amérique dans les yeux d’un papillon. Laure Morali anime aussi des ateliers d’écriture dans les écoles.

  • Le site de Laure Morali: www.lauremorali.net
  • Laure Morali, Traversée de l’Amérique dans les yeux d’un papillon, Mémoire d’encrier, 2010

Anne Bihan : poétesse, dramaturge et nouvelliste née en Loire-Atlantique en 1955, dont l’oeuvre est marquée par son enfance sur les îles bretonnes et ses années de vie en Nouvelle-Calédonie. Elle publie son premier récit, Miroirs d’îles, en 1984, parallèlement à ses premières écritures théâtrales. Depuis, elle a écrit une dizaine de pièces et spectacles pour la plupart créés en scène, en Bretagne et Océanie, ainsi que le recueil de poésie Ton ventre est l’océan.

Jeanne Laurent (1902, Cast – 1989, Garches) : haute fonctionnaire initiatrice de la politique de décentralisation théâtrale. Fille d’agriculteurs finistériens aisés, elle étudie à l’École nationale des chartes et entre au Ministère de l’Éducation nationale en 1930. Après la guerre, elle est nommée sous-directrice des spectacles et de la musique à la direction générale des Arts et des Lettres. À ce poste, elle crée les premiers Centres dramatiques nationaux, pour diffuser et populariser le théâtre en province. Elle contribue également à la renaissance du Théâtre national populaire et à la fondation du Festival d’Avignon.