Devenir artiste,
un parcours de combattante

Pour une femme, devenir artiste et le rester n’a jamais été une mince affaire. Des premières aspirations créatrices au passage à la postérité, les obstacles sont nombreux… et plusieurs persistent à travers les âges et les disciplines.

La situation des peintres aux 19è et 20è siècles le prouve bien. En France, ce n’est qu’en 1896 que l’école des Beaux-Arts entrouvre ses portes aux femmes. Et elles devront encore attendre avant de pouvoir accéder à des ateliers mixtes et peindre des modèles nus ! Sans compter qu’une formation complète et reconnue ne leur garantit en rien une carrière artistique : pour cela, il faut pouvoir être exposée, attirer l’attention des médias, “survivre” aux critiques misogynes, trouver du temps pour peindre tout en s’occupant d’un foyer et de jeunes enfants.

Un obstacle supplémentaire surgit pour les plasticiennes travaillant aux côtés d’un homme artiste. Si leur œuvre est parfois reconnue de leur vivant, elles restent cantonnées au statut de “femme de”; après leur mort, leur nom disparaît généralement des mémoires.

Et aujourd’hui, on en est où?

1 – Les femmes peintres, la moitié manquante
2- Beaux-Arts, ouvre-toi !
3- Clotilde Vautier, celle qui voulait tout
4 – L’art de se faire éclipser par son mari
5 – Sexisme dans l’art, version 2020

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Notices biographiques

Yvonne Jean-Haffen (1895, Paris – 1993, Léhon) : peintre, dessinatrice, graveuse et céramiste, tombée amoureuse de la Bretagne, qu’elle décrit comme “le plus beau pays du monde, le plus beau pour un peintre” à son maître, collaborateur et ami, Mathurin Méheut. Installée à Dinan, elle découvre la région, les pardons, les fontaines, les métiers de la terre et de la mer, qui seront autant de sources d’inspiration pour cette artiste touche-à-tout. Elle peint par exemple des fresques et collabore avec la faïencerie Henriot de Quimper; elle réalise aussi des pièces de céramique pour des céramistes parisiens et pour la Manufacture nationale de Sèvres. Au cours de sa vie, entièrement consacrée à l’art, elle produit près de 5 000 œuvres, conservées dans sa maison de Dinan devenue musée.

Clotilde Vautier (1939, Cherbourg – 1968, Rennes) : artiste peintre formée à l’école des Beaux-Arts du Mans puis de Rennes, où elle rencontre Antonio et Mariano Otero, deux frères issus d’une famille de réfugiés espagnols avec qui elle forme L’Atelier des Trois. De son mariage avec Antonio Otero naissent deux filles, en 1962 et 1963. A cette même période, Clotilde Vautier expose régulièrement dans des galeries rennaises et bretonnes. En 1967, elle obtient le deuxième prix au concours de la Casa Velasquez. Alors qu’une carrière et une reconnaissance nationales se présentent à elle, elle meurt brutalement des suites d’un avortement clandestin. Le film Histoire d’un secret, réalisé en 2003 par sa fille, Mariana Otero, dévoile ce tragique destin et les promesses d’une œuvre interrompue.

Jeannine Guillou (Concarneau, 1909 – Paris, 1946) : artiste initiée très jeune à la peinture, elle intègre en 1926 l’école des Arts décoratifs de Nice, avant d’épouser un peintre polonais, avec qui elle parcourt à pied les Carpates, revient en France puis s’embarque pour le Maroc. En 1937, elle y rencontre le tout juste Nicolas de Staël, alors peintre débutant. Avec lui, elle explore et peint le Maghreb, puis l’Italie, avant de s’installer à Nice. Le jeune couple vit (chichement) grâce à la vente des tableaux qu’elle peint. Malade, fragilisée par les privations, Jeannine Guillou meurt en 1946 des suites d’un avortement thérapeutique. Elle laisse derrière elle de nombreuses toiles inspirées par l‘Afrique ainsi que des portraits, mais son nom est totalement éclipsé par celui de Nicolas de Staël.

Marguerite Sérusier (1879, Lons-le-Saunier – 1950, Châteauneuf-du-Faou) : styliste et peintre, elle est toujours restée dans l’ombre de son mari, le peintre Paul Sérusier. Avant son mariage, elle est professeure de dessin pour la ville de Paris, puis elle intègre l’Académie Ranson. Elle dirige ensuite un atelier d’art décoratif et un atelier de couture. Spécialiste de l’ornementation, son influence est reconnue dans l’art appliqué aux textiles et tapis; elle encourage aussi son mari à persévérer dans l’art mural. En 2021, un musée Paul et Marguerite Sérusier devrait voir le jour à Châteauneuf-du-Faou, où le couple était établi.